Le théorème de Tsipras

ThéorèmeLa crise grecque vient de démontrer un théorème : Il est impossible de sortir du système capitaliste en utilisant les outils frelatés que celui-ci a forgés. Nous l’appellerons « théorème de Tsipras »

Le premier d’entre ces outils, c’est l’élection de représentants chargés de mener la politique du pays. Il est dorénavant clair qu’une fois élus, ces représentants, d’où qu’ils viennent, ne peuvent en réalité mener qu’une seule politique, avec quelques nuances de détails à la marge, la politique du capital.

Il est toujours présomptueux de vouloir refaire l’histoire mais il est criminel de ne pas vouloir en tirer les leçons, et d’entretenir les pires illusions.

Comment les représentants de Sirysa ont-ils pu faire preuve d’une si grande naïveté ? Aujourd’hui on accuse, un peu partout, et souvent à droite, Alexis Tsipras d’avoir trahi. Ses accusateurs de droite expriment là sans doute une jouissance perverse, et confortent ainsi leur idéologie en nous disant, vous voyez bien qu’il n’y a pas d’autre solution puisque même les plus radicaux en viennent à courber l’échine et à manger leur chapeau.

Quant à ceux de gauche, ils ne comprennent pas, ou ne veulent pas voir que la sortie du capitalisme, condition sine qua non d’un monde libéré doit emprunter d’autres voies que celles offertes généreusement par ce système. Tous ceux qui suivront la voie grecque et peut être bientôt espagnole, seront condamnées à la « trahison » dont certains affublent aujourd’hui Tsipras.

Non Tsipras n’a pas trahi, il a simplement accepté d’être le jouet du système qu’il déclare vouloir défaire. Dès cet instant fondateur l’issue est écrite dans le marbre. Oui bien sûr une fois acculé aux dernières extrémités par une Europe de la finance, il a tenté avec panache un beau coup, il a organisé et réussi un référendum, déclarant vouloir redonner la parole au peuple. Malheureusement la réalité financière et capitalistique dans laquelle il est immergé a étouffé, avant que le coq ne chante trois fois, le bel espoir qui avait été ainsi ouvert. Il ne pouvait en être autrement, et la reddition quasi unanime de Sirysa, ou du moins de ses députés, l’illustre tristement. Sans perspective autre qu’un chaos généralisé on peut entendre cette position.

Redonner la parole au peuple en lui posant une question a déjà été expérimenté par le passé. Qu’est devenue la volonté du peuple français après le non du référendum de 2005 ? En 2005 le gouvernement français était favorable au oui le peuple a voté non, le gouvernement a donc dissous le peuple. En 2015 en Grèce, le gouvernement était favorable au non, le peuple a voté non donc le gouvernement a

Qu’importe la couleur et les promesses des représentants, qu’importe la réponse apportée par référendum aux questions posées, le fétichisme de la marchandise a déjà écrit l’histoire.

Les questions centrales restent donc celle du pouvoir du peuple par le peuple, c’est à dire l’érection enfin de la Démocratie, et celle du renversement de ce système et son remplacement par un monde fondé sur des valeurs écologiques sociales et solidaires. Pourquoi ne pas s’être appuyé et avoir encouragé dès le début les mouvements populaires, qui en Grèce, à la suite du mouvement des places, visaient à prendre le contrôle des institutions, des banques, des hôpitaux, de la production et de la distribution alimentaire, des théâtres, de la culture, de l’éducation, des médias et de tous les secteurs nécessaires au maintien d’une vie digne ? Cette voie inspirée de la Commune de Paris” reste la seule capable de faire prendre conscience au peuple de sa force et de l’inutilité, mais surtout du danger, de la déléguer à qui que ce soit.

La force d’un peuple réside dans sa capacité à reprendre le contrôle de ce qui lui a été arraché. D’abord sa dignité qui lui est tous les jours niée par la marchandise et le fétichisme qui s’y attache. Ensuite sa capacité à réorganiser la vie et à en assurer les conditions de dignité pour tous.
Cette force là n’a que faire des ultimatums des oligarques européens. Elle est de surcroît contagieuse, et attire à elle tout ce qui dans ce monde aspire à la liberté. C’est à dire 99 % des habitants de cette planète.

Ces péripéties grecques pourraient bien servir à l’éducation des peuples et lever le voile sur les illusions fabriquées et entretenues par les chiens de garde de l’ordre établi. La première d’entre toutes, pierre angulaire du système, la croyance que nous vivons en démocratie et que le moment paroxystique en est l’élection des représentants1.

Le 01 septembre 2015

Gracchus

1 Nous reviendrons dans un prochain article sur l’histoire et l’analyse des élections et du rôle qu ‘elles jouent dans une des plus grandes illusions de notre temps.

J’apprends que le gouvernement estime que le peuple à trahi la confiance du régime et devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités. A ce stade, ne serait-il plus simple de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? Berthold Brecht
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