Les Colibris, une secte ordinaire…

Colibri

Dimanche dernier le cinéma de la Bresse projetait le film « La terre vue du coeur » et proposait à l’initiative des jardiniers de La Bresse un débat avec deux représentants du mouvement des Colibri.

Michel Hutt et Joseline Montaigu-Lancelin, le premier étant présenté comme un écrivain et la seconde comme une spécialiste de la permaculture.

Si ce film documentaire un peu longuet, dresse un diagnostic concret mais toutefois très incomplet de la dégradation des écosystèmes dans le monde, il n’aborde à aucun moment l’analyse des causes de cet effondrement qu’il persiste à qualifier de crise. L’emploi de ce terme n’étant pas dû au hasard, en effet une crise est passagère et on peut lui trouver des solutions techniques. Un effondrement, c’est une toute autre affaire, il impose si on veut en sortir sans trop de dommages une remise en cause radicale de ce qui l’a provoqué. Mais encore faut-il se donner les moyens d’identifier les causes et de les analyser. Ce que ne fait justement pas le film. C’est tout au plus un constat tantôt réaliste tantôt poétique, quelquefois nostalgique de quelques-unes des graves questions qui se posent à notre environnement.

Tout ceci ne serait pas bien grave, si derrière ce film ne pointait un cortège disparate d’idées et de recettes picorées ici et là et se présentant comme une doctrine aboutie.

Le débat annoncé qui devait suivre la projection devant permettre d’y voir plus clair, révélera la nature cachée de l’escroquerie que l’on a voulu nous fourguer.

Tout d’abord réglons le sort de ce débat, car il n’y en eut pas, ou plutôt il fut immédiatement guillotiné par le grand ordonnateur de la soirée Michel Hutt. Faisant appel à des méthodes simples et éprouvées il pratiqua l’étouffement de la contradiction et des contradicteurs. Alors qu’un intervenant mettait en question les graves défauts du film évoquées plus haut , on lui prêta des intentions qu’il n’avait pas exprimées et qui caricaturaient et dévalorisaient sa pensée, la rendant ridicule et incohérente. Pour conclure la manœuvre on fit en sorte qu’il ne puisse, malgré sa demande, reprendre la parole afin qu’il apporte les rectifications nécessaires et dénonce la méchante opération.

Ces techniques, tronquer la pensée des contradicteurs pour mieux la disqualifier, puis interdire le droit de suite en gardant la parole le + longtemps possible, avant de la donner à un comparse sur un sujet différent, sont bien connues des mouvements sectaires. Les chefs des Colibris, formés à leur maniement sont passés maîtres dans cet art.

Toute contradiction structurée.n’est pour eux pas supportable. Le risque est grand qu’elle ne dévoile l’imposture Votre parole est la bienvenue si vous racontez une histoire inessentielle, faite de gentilles anecdotes pleines de sentiments de ressentis et d’émotions. C’est d’ailleurs ainsi qu’il fut d’emblée proposé à la salle de procéder, la vision globale etant réservée aux chefs.

Si vous exprimez une pensée globale, qui plus est, critique de leur vision simpliste, on s’arrange pour ne pas vous redonnez la parole et noyer tout cela sous des interventions émotionnelles pleines de banalités et de bons sentiments, mais tellement vraies !

Sous des apparences de respect et de démocratie, leurs manœuvres ne sont que la reprise des pires procédés sectaires qui visent à rendre inopérante toute pensée critique.

Ces gens qui se présentent sur terre, comme porteurs d’un corpus d’idées, qui selon eux devrait permettre de sortir de la voie funeste sur laquelle est engagé le monde, destruction de la biodiversité, 6éme extinction massive des espèces, réchauffement climatique, ne sont pas des militants, malgré ce qu’ils voudraient nous faire accroire. Ils ne sont en réalité que de misérables bonimenteurs, tels ces marchands de lotion capillaire qui vantaient dans les westerns un produit miracle pour en faire un business si possible juteux mais dont l’effet sur la repousse des cheveux était ausi efficace qu’un cautère sur une jambe de bois.

Le mot d’ordre des Colibris, du « chacun fait sa part », est parfaitement adapté à l’idéologie libérale actuelle : comme s’il n’y avait pas de société, comme s’il suffisait de changer les comportements de consommateurs atomisés pour lutter contre le changement climatique.

D’ailleurs l’un vend des livres, l’autre des séances de coaching et des formations dont le contenu toujours indigent est judicieusement emballé dans un vernis philosophique, accumulation de banalités désespérantes largement usées et élimées par les déjà vieilles badernes du développement personnel et du New-age. La présentation de la permaculture que nous servit Madame Joseline Montaigu-Lancelin, laborieuse litanie de généralités et de lieux communs qui ne nous apprirent rien sur cette pratique estimable et la consultation de son site web, sont à cet égard édifiantes tout autant que les tarifs par icelle pratiqués.

Ces gens surfent sur la vague de désespérance qui s’est emparée du monde, pour en tirer un bénéfice personnel sonnant et trébuchant. Aucune solution, sinon celles de suivre un stage supplémentaire, un accompagnement-coaching ou une séance de « recentrage » tout cela düment facturé bien sûr. Mieux se connaître, rencontrer son moi profond sont les pierres angulaires de leur pensée. Le point commun de ces « techniques » étant la valorisation hypertrophiée du moi, autre vieille recette illusoire, expérimentée depuis toujours par les gourous de tout acabit qui en abuse pour dominer leurs disciples et les rendre dépendants.

Tout l’art de nos Colibristes étant de faire passer cela pour de la nouveauté, en l’habillant d’un discours pseudo philosophique, à fortes connotations environnementales et accessoirement, telle Madame Joseline Montaigu-Lancelin, en s’affublant de certifications pompeuses et prétentieuses délivrées par des supers gourous auto-proclamés (certifiée par l’International Coaching Federation)

En général, ainsi qu’on me l’a rapporté, les quelques réunions qu’ils organisent pour leurs affidés, toujours prêts à engloutir les paroles du chef, ressemblent à des séances de confessions collectives, dans lesquelles vous êtes priés de n’exprimer que des émotions, des ressentis qui deviendront la matière première du gourou animateur qui en extraira des sentences édifiantes et, s’il est en forme, la substantifique moelle.

Interdiction absolue de sortir de cette règle, sous peine d’un rappel à l’ordre vigoureux. La raison, la recherche des causes, les liens de cause à effet n’y ont pas leur place. Il vous est livré un package complet, un prêt à penser homologué par le père fondateur, le proclamé « grand sage » Pierre Rabhi. Le disciple n’est pas censé réfléchir, il est l’objet, le porteur d’émotions, celui qui est prié, comme chez Carrefour, de toujours positiver. Aucune dérogation à l’ordre du jour de la réunion préalablement fixé par le seul gourou n’est permise. Ce sont exactement les méthodes et les techniques employées par les mouvements sectaires. Confiner le disciple dans une logique segmentaire de laquelle il lui est impossible de s’échapper. Lui fixer des œillères qui en feront un gentil soldat totalement dépendant de la doxa du groupe. Et petite anecdote qui m’a été rapportée par un ex-disciple repenti, à chaque début de réunion, chacun est invité à prononcer un mot censé exprimé son état d’esprit du moment, l’opération étant répétée à la fin, et bien sûr les mots du début sont négatifs, ceux de la fin positifs !!! C.Q.F.D. ils appellent cela la météo !!!

Ils ne veulent surtout pas changer le monde, pas plus qu’ils ne souhaitent aider leurs contemporains. Notre accablante réalité et la souffrance bien réelle de beaucoup sont leur gagne-pain, pourquoi leur faudraient-ils tuer la poule aux œufs d’or ?

Ne soyons pas naïfs, ces gens sont des sectaires du genre commun, et sous l’image qu’ils véhiculent de défenseurs de la nature et de l’homme, ils apparaissent comme les derniers avatars des dieux de la marchandise, protecteurs d’un système à l’agonie. Ils trompent leur monde et n’ont d’autre objectif que de préserver ce qui est, pour y faire prospérer leur déplorable business.

Le 20 novembre 2018

Gracchus

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