Fibers : Radiographie d’un article de Vosges matin-Crédit mutuel ou comment la presse, les élus, la justice, en un mot l’establishment s’entendent pour fabriquer une vérité officielle.

Fibers: Radiographie d’un article de Vosges matin-Crédit mutuel ou comment la presse, les élus, la justice, en un mot l’establishment s’entendent pour fabriquer une vérité officielle.

Inauguration de Fibers Photo Brigitte Boulay www.actu88.fr/

Inauguration de Fibers
Photo Brigitte Boulay
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Dans Vosges matin du 03 juin 2015, au sujet de la liquidation de le la société Fibers on peut lire en légende de la photo : « Bernard Charbonnier (à droite), créateur de l’entreprise Fibers, ne décolère pas ». A ce moment je me suis pincé, je n’étais pas sûr d’avoir bien lu.

Puis plus loin :  le procureur Etienne Manteaux relevait pour sa part « ce mépris impressionnant des salariés. Nous sommes là face au signe de l’impérialisme économique chinois. Un groupe qui a vendu, à M. Charbonnier, des machines qui n’étaient pas aux normes (et qui avaient provoqué un accident du travail mortel en janvier [juin en réalité] 2014). Dans ce dossier, les Chinois ont joué avec Bernard Charbonnier, avec le tribunal et avec les salariés. »

De qui se moque-t-on ?

« Bernard Charbonnier ne décolère pas » : Ben voyons, mais c’est bien sûr, c’est lui la victime et les méchants Chinois qualifiés d’impérialistes par le procureur lui-même, sont les seuls responsables de ce fiasco retentissant.

Il fallait oser, il y a longtemps que je suis habitué aux manipulations de la presse, mais là les bras m’en tombent encore ! En une phrase courte, sujet verbe négation, qui légende une photo, vous êtes affranchi. Bernard Charbonnier est la victime et cerise sur le gâteau, il ne décolère pas, le brave homme !

Et moi qui pensait bêtement, comme vous sans doute, que ceux qui ne devraient pas décolérer, ce sont bien les salariés emmenés dans cette galère par M. Charbonnier et par lui seul, avec le soutien novice mais enthousiaste quand même, ne les oublions pas, ils en seraient ravi, des élus divers et variés dont la pusillanimité sans borne a facilité ce déplorable gâchis. Oui, les responsables sont sur la photo du journal à l’exception d’un ou deux qui ont opportunément disparu des écrans depuis la liquidation.

Et quand le procureur de la République vient ajouter son grain de sel au concert des sophistes1, on pensait à ce niveau avoir touché le fond, et bien non, on creuse encore ! Monsieur le procureur, si les Chinois ont vendu, c’est sans doute parce que M. Charbonnier a acheté (avec l’argent des subventions publiques, dont il faudra reparler). Et ce ne sont pas les Chinois qui ont mis en service des machines qui n’étaient pas aux normes2, sans les faire vérifier par un cabinet spécialisé. C’est M. Charbonnier.

« Dans ce dossier, les Chinois ont joué avec Bernard Charbonnier, avec le tribunal et avec les salariés », dites vous, Monsieur le procureur. Je subodore ici comme un détournement de sens, n’y aurait-il pas une tentative de jeter un voile virginal et purificateur sur la responsabilité de M. Charbonnier ? Y aurait-il volonté de détourner l’attention du public sur ces lointains et inaccessibles Chinois afin de mieux exonérer le dirigeant de l’entreprise de toute implication ?

Le rôle des Chinois dans cette affaire est plus que modeste. Qu’ont-ils fait qui mériteraient les qualificatifs généreusement rapportés par la journaliste de VM : « Honteux. Nauséabond. Méprisant » ? N’en jetez plus, tant d’indignité sidère. Ils se sont simplement engagés à reprendre une entreprise puis ont changé d’avis, la belle affaire ! Cela arrive tous les jours, et l’unique reproche que l’on pourrait légitimement leur adresser, est d’avoir donné un espoir à 30 ouvriers désormais bien seuls, puis de l’avoir déçu.

Monsieur le Procureur fait ensuite semblant de découvrir la violence des relations de travail et le mépris dans lequel les travailleurs sont ordinairement tenus. « …ce mépris impressionnant [pour les]3 des salariés ». Mais si cela se passe chez nous, ce ne sont pas, bien sûr, nos dirigeants nationaux qui sont en cause, ce sont les Chinois ! Et puisque nous n’en sommes plus à une contre-vérité près, l’article suggère sans finesse qu’ils seraient de surcroît responsables de la mort de la jeune femme : « Un groupe qui a vendu, à M. Charbonnier, des machines qui n’étaient pas aux normes (et qui avaient provoqué un accident du travail mortel en janvier[juin en réalité] 2014) ». Le tour est joué, c.q.f.d.. M. Charbonnier est, avec les salariés, la victime de « l’impérialisme économique chinois ». Il ne manque que l’appel à l’unité de la nation face au péril jaune qui menace, et cet article sera digne d’entrer au Panthéon des manipulations ordinaires.

Après tant d’efforts déployés par une journaliste et un procureur à la peine, nous sommes en droit de nous interroger sur la suite de l’enquête qui doit maintenant établir les responsabilités dans la mort violente de la victime.

Celui qui a joué avec les salariés c’est M. Charbonnier, et c’est vous Monsieur le procureur qui aujourd’hui avez la charge de diligenter l’enquête sur les responsabilités dans cette dramatique affaire, qui a vu la disparition tragique d’une jeune femme. Je forme le vœu que l’enquête ne tente pas de chercher en Chine ce qui crève les yeux, juste à côté.

Le 12 juin 2015

Grachhus

1 Euphémisme prudent

2 Il serait étonnant que des machines chinoises soient aux normes française ou européennes. La charge de la mise en conformité revient évidemment à l’acheteur qui ne peut l’ignorer.

3 C’est moi qui précise

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