Interview d’Annie Aucante, présidente de la nouvelle association de défense des intérêts des résidents de l’EHPAD de La Bresse et de leurs familles

Annie Aucante

Annie Aucante

Brimbelle : Annie Aucante après deux mois d’un combat mené contre l’augmentation importante des tarifs de l’EHPAD de La Bresse, vous ne désarmez pas et vous avez décidé de vous constituer en association.

Annie Aucante : Oui parce que l’action collective est davantage payante face aux institutions. Je suis convaincue que nous ne devons pas baisser les bras mais poursuivre notre action, car une nouvelle augmentation attend les résidents en 2016. Si nous ne nous mobilisons pas maintenant, il sera trop tard.

Brimbelle : Quel soutien avez-reçu de la part des résidents et des familles ?

Annie Aucante : Une soixantaine de personnes était présente à la réunion du 5 mai dernier initiée à ma demande, en qualité de représentante des familles au Conseil de vie sociale de l’établissement. La motion adressée au Président du Conseil départemental des Vosges et dénonçant l’augmentation des tarifs, a recueilli ce jour-là plusieurs dizaines de signatures. Dans la foulée nous avons également décidé d’adresser un courrier dans le même sens à Madame Brigitte Vanson et à Monsieur Jérôme Mathieu nouveaux conseillers départementaux. A cette date nous n’avons reçu aucune réponse. Personnellement j’ai déposé un recours contentieux auprès du Tribunal Interrégional de la Tarification Sanitaire et Sociale de Nancy. J’ai reçu des mails, courriers et appels téléphoniques de soutien de familles et de résidents. Je les en remercie. Il me semble en effet que s’élever contre cette augmentation injustifiée et dès lors qu’il existe des solutions de rechange, devait rassembler l’ensemble des personnes concernées.

Brimbelle : Et ce n’est pas le cas ?

Annie Aucante : Et non Brimbelle. Nous vivons dans un grand village : la parole n’y est pas tout à fait libre en raison d’une pression sociale qui s’exerce de façon pesante. Un sociologue saurait sans doute démonter les mécanismes de ce phénomène. La Bresse est une bourgade où tout le monde se connaît, a des liens de parenté, d’alliance. Celui ou celle qui ne respecterait pas le consensus et enfreindrait les codes en se démarquant du groupe, se retrouverait mis à l’index. Dans les villes ces comportements n’existent plus, mais et on peut le regretter, ils perdurent ici. C’est probablement la raison pour laquelle, les personnes qui étaient au départ d’accord pour dénoncer l’augmentation des tarifs et qui me félicitaient, ont subitement fait machine arrière…

Brimbelle : Mais les actions que vous avez proposées semblent justes : on entend beaucoup parler de solidarité avec les Anciens ?

Annie Aucante : Je suis tout aussi perplexe que vous, Brimbelle. N’oublions pas que ce qui se passe à La Bresse n’est que le reflet de ce que nous pouvons constater en France, seulement un peu plus prégnant ici. Les gens en général ont été tellement manipulés, matraqués depuis des décennies que l’envie de se battre, de défendre leurs intérêts a sombré dans les oubliettes. Ils n’osent plus faire entendre leur voix et se laissent dominer par la peur, le fatalisme. Vous savez, des siècles de soumission à l’Autorité dans cette vallée (l’Église, les industriels, les élus) ça laisse des traces. Ici, chacun vit sous le regard des autres et peut difficilement se désolidariser du groupe, plusieurs personnes me l’ont d’ailleurs avoué, à La Bresse, « il ne faut pas faire de vagues, pas se faire remarquer », c’est fou non, en 2015 ! Je veux répondre à ces personnes qui craignent de s’impliquer pour eux-mêmes, pour leurs parents, que nous sommes en démocratie et donc encore libres de nos actes.

Brimbelle : Vous-même, vous ne vous sentez pas concernée par cette appartenance au groupe ?

Annie Aucante : Non, absolument pas. Il est sans doute plus facile pour moi de m’exprimer publiquement. Je viens d’ailleurs, je suis originaire de la région parisienne et surtout j’ai toujours agi en citoyenne libre, quel que soit l’endroit où je résidais. Personne ne me dicte ma conduite que j’assume complètement. Je suis apparentée à la communauté bressaude par la famille de mon mari, mais pour moi cela n’induit pas de me taire. Ce refus de se mobiliser, de donner son avis est d’autant plus inexplicable que par le passé les Bressauds ont montré qu’ils savaient résister.

Brimbelle : Vous voulez parler de la génération des Bressauds qui ont payé un lourd tribut durant la dernière guerre, leur village entièrement détruit. Certains d’entre eux ont combattu les Allemands au Maquis de la Piquante Pierre -Noiregoutte…

Annie Aucante : Le père de mon mari en a fait partie et a été déporté, son grand-père et son oncle ont été emmenés à Pforzeim. Les résidents actuels de l’EHPAD ont connu pour beaucoup d’entre eux cette époque, en ont souffert et leurs enfants devraient avoir à coeur de se mobiliser par solidarité, par respect contre l’injustice de cette hausse plus que significative ( 6 %) et le traumatisme qu’elle entraîne. La plupart des résidents en effet vivent très mal cette augmentation qui leur  « reste en travers de la gorge ». D’autant que chacun s’accorde à souligner qu’ils perçoivent en général des pensions modestes.

Brimbelle : Revenons à l’association que vous venez de constituer. Etes-vous nombreux ?

Annie Aucante : Suffisamment pour déposer les statuts. Je veux saluer les familles qui me font confiance. Il est clair que des pressions ont été exercées pour tenter de m’isoler ou de me discréditer,c’est le signe que nous devons en inquiéter certains.

Brimbelle : Etes-vous déçue ?

Annie Aucante : Plutôt attristée, l’expérience m’a appris qu’il est aisé de dominer les gens par la peur,la crainte de représailles, du qu’en dira-t-on etc. Je suis persuadée que les familles qui m’ont encouragée et suivie dans les démarches entreprises, afin de dénoncer cette augmentation honteuse des tarifs de l’EHPAD vont réfléchir, et qu’elles rejoindront cette association qui est la leur et celle des résidents. Je suis fière de mener cette action en faveur de l’ensemble des résidents de l’EHPAD et très déterminée. Nous n’avons pas entamé ce combat dans le but de polémiquer mais pour rétablir la vérité sur cette situation. Nous avons déjà démontré en nous appuyant sur des éléments chiffrés que l’on peut éviter cette augmentation et qu’il existe une solution alternative. Malheureusement, la municipalité de La Bresse et le Conseil départemental des Vosges refusent de prendre en compte nos propositions. Notre association discutera à l’avenir avec ces institutions.

D’autant que d’autres problèmes se posent,notamment en matière de sécurité des biens et des personnes : une enquête de gendarmerie est en cours suite à des vols commis dans l’établissement au 27 rue de la Clairie. Avant les travaux et le transfert de l’administration dans la nouvelle aile, il y avait une présence humaine à l’entrée,dissuasive face à des incivilités, ce qui n’est plus le cas depuis la réouverture.D’autres EHPAD ont installé par exemple des digicodes depuis longtemps. Rien n’a été mis en place pour remédier à ce problème en dépit de demandes répétées, faudra-t-il attendre d’autres actes de malveillance pour obtenir des actes concrets ?

Encore plus grave et inimaginable, le 27 rue de la Clairie a ouvert et accueilli les résidents à l’issue des travaux courant décembre 2014, alors même que la Commission de Sécurité, dont le passage est obligatoire, n’était pas passée….Il manquait de plus des extincteurs dans les parties communes, les rares existants étaient pour certains posés sans être fixés correctement. Quand j’ai eu connaissance de ces faits, j’ai immédiatement demandé à la mairie de me communiquer la date de passage de la dite commission, ainsi que l’arrêté d’ouverture devant être pris par le Maire. Rien n’avait été fait et que se serait-il passé si je n’étais pas intervenue ? Suite à mon intervention, la municipalité a enfin réagi et a sollicité la commission de sécurité qui est venue le 8 juillet dernier, c’est à dire plus de six mois après la réouverture du bâtiment ! Comment ne pas parler d’incurie….et surtout se taire ! Il y a vraiment de quoi être inquiet pour nos parents et si un incendie s’était déclaré ?

Brimbelle : Donc, une association qui a du pain sur la planche et dont nous entendrons parler ! Merci Annie Aucante pour vos réponses et bon courage pour la suite...

Contact association : asso.ehpadlabresse@gmail.com

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