Le timbre quantique !

Petite chronique lorraine de l’arbitraire ordinaire

Il y a des faits minuscules qui disent beaucoup de notre époque. Celui-ci tient dans quelques centimètres carrés de papier dentelé : un carnet de timbres.

En Lorraine, on aime les choses simples. Un bonjour qui n’est pas feint. Un service rendu sans condition. Et, quand on demande un timbre… un timbre.

Le 22 décembre, vers 15 heures, je me présente au bureau de tabac place du Champtel à La Bresse, pour acheter un carnet de timbres poste.
Le gérant me demande :
– « Et avec ça ? »
Je précise :
– « Rien. »

Il se penche derrière son comptoir, puis m’indique qu’il n’y a plus de timbres.

L’affaire aurait pu s’arrêter là. Elle ne fait que commencer.

Une heure plus tard, mon épouse se rend dans le même établissement.
Même comptoir. Même gérant.
Elle demande le journal et un carnet de timbres.
Le journal est servi.
Le carnet de timbres aussi.

Informé de cette vente, je retourne aussitôt au comptoir.
Je pose une question simple :
– « Alors, il y a des timbres ? »
Réponse, nette :
— « Non, il n’y en a plus. »

Ce que disent les faits, sans commentaire superflu

Les faits sont têtus, et ils sont les suivants :

  • le carnet de timbres existait, puisqu’il a été vendu dans l’intervalle ;
  • il a été vendu par le même gérant ;
  • dans le même établissement ;
  • et refusé à un autre client, à deux reprises, sans justification objective.

Il ne s’agit ni d’une erreur, ni d’un problème de stock, ni d’un malentendu.

Il s’agit d’un refus de vente individualisé.
Un fait. Rien de plus. Rien de moins.

Un timbre n’est pas un produit comme les autres

Les timbres-poste relèvent du service postal universel.
Leur distribution repose sur des partenaires de proximité, notamment les buralistes, auxquels est confiée une mission qui dépasse la simple logique marchande.

Cette mission suppose des principes clairs :
neutralité, égalité de traitement, continuité du service.

Le droit le rappelle sans ambiguïté.
L’article L121-11 du Code de la consommation dispose :

«Est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime ;
Est également interdit le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1. »

Ici, le motif légitime reste introuvable.
Et c’est précisément cela qui interroge.

Ce que raconte cet épisode, au-delà du timbre

Cet article n’est pas un règlement de comptes.
Ce n’est pas non plus une indignation théâtrale.

C’est une alerte douce, mais ferme.

Car ce type de situation raconte quelque chose de plus large :
la dérive discrète vers un service à la tête du client, la normalisation du « avec ou sans achat »,
le glissement d’un service public de proximité vers une pratique conditionnelle, non dite, mais bien réelle.

Un timbre, c’est peu de chose.
Mais c’est un symbole : celui du lien, de l’accès égal au service commun, de la règle partagée.

Quand cet accès devient variable, ce n’est pas seulement le timbre qui disparaît. C’est un principe.

Et maintenant ?

Les faits ont été signalés à la DGCCRF.
Un courrier d’information a été adressé à La Poste, afin que cet incident soit examiné par les autorités compétentes.

Sans invective. Sans caricature. Avec méthode.

Parce qu’en Lorraine comme ailleurs, le respect des règles communes ne se négocie pas au comptoir.

Dominique HUMBERT-BERETTI

Précision :
Les faits rapportés dans cet article correspondent strictement à ce que j’ai personnellement constaté. Ils ne visent ni à caractériser une pratique générale de l’établissement cité, ni à porter une appréciation sur la personne du professionnel concerné, mais à relater un incident précis, daté et localisé.


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